Travailler comme sage-femme

Etre sage-femme

« Être sage-femme ce n’est pas inné.
Comme aimer ou être serein, cela s’apprend.
Être sage-femme, ce n’est pas être thérapeute, conseillère, psychologue, technicienne, mécanicienne, chimiste ou alchimiste ni même magicienne ou chaman.
Même s’il y a un peu de tout cela malgré tout et quoi que l’on en dise.
Alors quoi?
 
La sage-femme n’a aucun but pour l’autre, elle n’est pas là pour changer quoi que ce soit ou agir volontairement.
Elle est l’instrument du destin, l’instrument de l’histoire de l’autre, qui naît sous ses yeux, témoin du mystère.
Elle est avec ses connaissances, ses expériences, avec ses qualités, son humanité, avec ses limites, ses défauts, ses compétences techniques, son calme, ses peurs, son potentiel à éclore,
son amour pour la vie, sa fascination du mystère.
 
Elle n’a pas de pouvoir, elle ne peut savoir ce qui est bien pour l’autre,
même si elle peut être force de propositions cependant, pour protéger l’euphonie des corps, la symphonie des mondes qui s’entrecroisent, se traversent, se rencontrent pour se quitter et se retrouver autrement.
 
Être sage-femme, c’est être la gardienne du champ de la naissance quelle qu’elle soit, où qu’elle soit
La gardienne d’un espace qui ne se délimite pas, qui ne se prononce pas, qui ne se voit pas. La gardienne de la transmission de la vie, de l’humilité, de son humidité, la gardienne du sacré.
 
Celle qui protège l’intimité, le mystère, le souffle de la vie, aussi bien que les passages vers la mort, vers un ailleurs, un autrement, une autre forme
 
Être sage-femme, c’est être collée au vivant, au présent, à l’ici et maintenant. c’est rencontrer la solitude pour y trouver l’esprit du corps et sa sagesse. C’est tisser, le lien, entre les vies, et se vêtir avec.
Être sage-femme, c’est faire un avec le souffle, avec son propre souffle, son propre mystère, cette vie qui nous traverse inlassablement et sans rien nous demander en retour, jusqu’au dernier expire.
 
C’est savoir ne pas regarder, c’est savoir écouter, sentir, goûter, sans intervenir dans le flux. C’est être dans le ‘laisser-faire attentif’. C’est savoir ne pas agir, et c’est savoir être efficace et précise. C’est savoir s’effacer et prendre sa place.
 
Être sage-femme, c’est être à l’origine des mondes. Silencieuse entre deux respirations. c’est se lover dans l’espace après la fin d’une expiration, et attendre-sans attendre, protéger
la prochaine inspiration »
 
Julia Vallet , sage-femme